Les communautés énergétiques par-delà le marché unique

L'envolée des prix de l'énergie et les doutes sur la sécurité de l'approvisionnement confortent ce qu'un nombre croissant d'acteurs préconisent depuis longtemps, à savoir la relocalisation de la production d'énergie. La relocalisation rejoint le mot d'ordre de résilience mis à l'agenda politique par les campagnes électorales locales de 2020 : la résilience des territoires et des collectifs pour réduire leur dépendance énergétique, autrement dit pour accroître leur autonomie vis-à-vis des entités et des institutions sur lesquelles ils n'ont pas prise. La nouvelle loi d'accélération des énergies renouvelables mise surtout sur les grands parcs éoliens et solaires et les grandes entreprises de l'énergie. Elle ne dit mot sur l'autoconsommation individuelle qui, pourtant, se développe rapidement ; demain, avec l'extension du parc de véhicules électriques (et des batteries), elle risque d'échapper à toute régulation publique et d'instiller de grandes disparités entre les ménages. Entre ces deux échelles, le législateur fait aussi l'impasse sur les communautés énergétiques, qui instaurent des conventions marchandes alternatives au marché spéculatif. Ces communautés existent pourtant déjà, elles orientent l'épargne des ménages vers les énergies renouvelables, contribuent au financement des réseaux publics et accroissent l'acceptabilité des infrastructures de production. Leur montée en puissance est en cours mais pourrait se heurter au régime sociotechnique dominant dans la production de l'électricité, en particulier dans un pays centralisé comme la France, marqué par une alliance entre l'Etat et quelques grandes entreprises pourvoyeuses d'énergie. Le présent article décrit la nature et l'essor des coopératives citoyennes et des opérations d'autoconsommation collective en France. En analysant les acteurs qui portent des projets locaux de production et de fourniture, il met en exergue des modèles relationnels entre producteurs et consommateurs alternatifs au marché dominant et il pointe des reconfigurations émergentes de démocratie énergétique. In fine, il propose trois paradigmes dépassant celui de grand marché européen de l'énergie et permettant de penser des chemins de la transition énergétique vers la neutralité carbone.