La prise de conscience de la neutralité du comptable d'entreprises

Le concept de neutralité n'est apparu en normalisation comptable qu'assez tard par rapport à l'apparition du modèle normalisateur international. Ce n'est qu'au milieu des années 1960 que ce concept s'intègre au modèle dominant. Auparavant ce n'était qu'une notion assez floue qui émergea entre le 19e et le 20e siècle grâce à l'apport d'auteurs divers. La neutralité signifie que l'information contenue dans les documents comptables est exempte de biais. Le comptable certifie donc la fiabilité de l'information qu'il délivre à ses clients. Cette étude a pour objet d'étudier cette évolution notionnelle puis conceptuelle, et de voir son implication à trois niveaux : théorique, doctrinal et pratique. Au plan théorique, l'introduction du mot « neutre » dans la littérature comptable française remonte au moins à Julien Bellay dans son livre de 1834. En langue anglaise, la première occurrence de ce mot dans la littérature spécialisée peut être datée de la même époque in B. J. Foster (1837) A Concise Treatise on Commercial Bookkeeping, Boston, Perkins and Marvin, second edition, p. 76. C'est bien quand le capitalisme industriel commence à devenir financier que le problème se pose. Au plan doctrinal le débat concerne la neutralité de la comptabilité en général dans la société capitaliste contemporaine. La majorité des auteurs sont favorables à une neutralité négociée entre les normalisateurs et les comptables de terrain. Une minorité s'oppose à cette idée de neutralité car le capitalisme est fondé sur l'absence de neutralité des entrepreneurs et des individus ayant connaissance des opportunités de profit. Ceci est bien analysé par Vera Palea (2016). Les trous d'opportunité entrepreneuriale correspondent aux trous de la neutralité des comptables corrompus par l'appât du gain. Enfin, sur le plan pratique, les comptables de terrain font remonter à leur hiérarchie de l'Ordre national les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs activités vis-à-vis de la neutralité de leur art et de la neutralité de leur comportement. La première neutralité relève de la cohérence des matières enseignées pendant leur formation ; la deuxième renvoie à la déontologie de la profession. Que les scandales financiers et comptables ne cessent pas tout au long des crises du capitalisme financier est la preuve que la neutralité absolue et générale est impossible.