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En 2008, la reine d'Angleterre a posé une question simple, mais dérangeante : pourquoi les économistes n'ont-ils pas vu venir la crise des subprimes qui allait devenir la Grande Crise Financière (GCF) ? La réponse est simple, mais inacceptable : ils n'avaient pas perçu ce qui était devant leurs yeux, la montée du shadow banking et ses implications pour la stabilité financière. Seize ans plus tard, et après le rappel à l'ordre de la crise de l'euro, la règlementation bancaire a été renforcée, le suivi statistique des non-banques (la désignation plus respectable, mais aussi plus juste, de feu le shadow banking) est désormais assuré, des stress tests sérieux sont régulièrement imposés aux banques, le dogme du bail-out, le sauvetage des créanciers (prêteurs ou déposants) par la puissance publique, c'est à dire aux frais du contribuable, a été remis en cause, au moins en Europe, un mécanisme de « résolution » des établissements en difficulté se met en place, bref l'environnement du système financier a été profondément modifié. À ce premier changement s'est ajouté celui, spectaculaire, provoqué par la politique monétaire elle-même, et la pratique du Quantitative Easing (QE), initiée par la Fed, puis adoptée par la BCE et la quasi-totalité des Banques centrales. Lorsque, pour faire face à la récession, la baisse des taux s'est heurtée au plancher à zéro (le PAZ, Zero Lower Bound en anglais), elles ont adopté une politique quantitative consistant à acheter des titres, essentiellement des obligations publiques, injectant ainsi des liquidités dans le système financier, gonflant de manière spectaculaire leur propre bilan. L'inflation qui a suivi la crise du Covid en 2022 a mis fin à cette séquence. Elle a pris au dépourvu les Banques centrales, qui ont augmenté fortement et rapidement leurs taux directeurs et su ramener très vite le taux d'inflation de 9-10% à 2,5-3% aujourd'hui. On n'est pas pour autant « revenu à la normale ». A priori, les Banques centrales souhaiteraient retrouver leur taille d'antan, et réduire leur bilan en pratiquant le Quantitative Tightening, c'est-à-dire en suivant le chemin inverse de celui des années d'après crise, et en revendant progressivement le stock de titres qu'elles ont accumulé. Ce mouvement, entamé de part et d'autre de l'Atlantique, n'est pas sans soulever d'importantes questions. D'abord, à deux reprises au moins – en septembre 2019 et en mars 2020 – on a constaté aux États-Unis que ce désengagement pouvait se heurter à des limites et engendrer des crises de liquidité. Ces crises ont été gérées très énergiquement, mais elles envoient un message de prudence et font penser que le chemin sera long et ne nous ramènera pas à la situation antérieure. Ensuite, il reste les questions de fond du bon usage des deux instruments de la politique monétaire dont disposent désormais les Banques centrales, les taux et la quantité de dette détenue. Faut-il les utiliser séquentiellement, comme on l'a fait jusqu'à présent (d'abord la hausse (resp.la baisse) des taux d'intérêt, puis la baisse (resp.la hausse) des encours de titres au bilan de la Banque), ou doit-on les manier différemment ? Jusqu'où désire-t-on réduire la taille des bilans ? Ces questions sont à l'agenda des autorités monétaires en 2024. Pour les analyser, nous partons du constat que, après la GCF, le contexte dans lequel s'inscrit la politique monétaire s'est profondément modifié du fait des changements intervenus, tant dans les Banques centrales (section 1) que dans les banques commerciales (section 2) et dans les marchés (section 3). Nous nous concentrons sur la situation de la zone euro, même si des convergences avec la situation américaine sont intervenues depuis la GCF (section 4). Le constat débouche sur le sentiment que revenir à la situation qui prévalait il y a quinze ans est impossible dans le cadre actuel(section 5). Pour définir ce que peut être le nouveau cadre opérationnel de la politique monétaire, il faut expliciter les objectifs et les instruments dont disposent les Banques centrales. Pour mettre en relation objectifs et instruments, un cadre d'analyse (un modèle) assez détaillé est nécessaire car la politique monétaire comporte des aspects techniques qui ne peuvent être négligés. Ce sera l'objet de la section 6. On pourra alors en tirer quelques implications pour répondre à deux questions relatives au rôle du refinancement et à la place d'une politique de réserves obligatoires (section 7).
Suggested Citation
Vivien Levy-Garboua & Gérard Maarek, 2024.
"Les lendemains du Quantitative Easing: le cadre opérationnel de la nouvelle politique monétaire,"
Working Papers
hal-04804408, HAL.
Handle:
RePEc:hal:wpaper:hal-04804408
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