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Abstract
Le monde associatif se structure autour d'acteurs engagés au service de l'intérêt général, du progrès ou de la cohésion sociale et dont une majorité d'actions sont menées de façon bénévole. Dans un tel contexte, la capacité à s'organiser, à communiquer et à se répartir du travail représente un véritable défi quant à la pérennisation des actions supportées par l'ensemble des membres de l'association. Les difficultés sont en effet multiples : manque de ressources (financières, humaines, matérielles), manque d'expérience et de savoir-faire ou encore réticence des acteurs au management, entre autres. Face à cette réalité, les problématiques managériales sont bien souvent reléguées au second plan au profit d'une organisation artisanale et peu efficace, ce qui compromet le bon développement de l'association. C'est pourquoi il convient d'affronter de manière réfléchie ces questions et ce dès les premiers pas de l'association, de façon à lui garantir des bases organisationnelles robustes. L'article que nous nous proposons de soumettre se présente sous la forme d'une étude de cas à caractère réflexif. La recherche s'intéresse à une organisation associative à but non lucratif créée il y a moins de deux ans, qui compte une quinzaine de membres situés en France, au Brésil et en Afrique du Sud et dont les compétences relèvent de différents domaines : anthropologie, architecture, audiovisuel, droit, éducation, informatique et sociologie. Cette association, dont font partie les trois auteurs de cet article, a fait le choix atypique de structurer son management, dès le début du projet, autour de plusieurs outils logiciels. Nous utilisons donc ce cas d'étude pour tenter de répondre à différents questionnements qui accompagnent l'association depuis sa création. Comment gérer les activités d'une association dont les membres sont géographiquement dispersés et ont des compétences si hétérogènes ? Comment organiser les échanges et améliorer la productivité ? Comment garantir le stockage, le partage et pérennisation de ses fichiers numériques ? Comment capitaliser les données générées et échangées tout au long du processus associatif pour conserver un regard critique sur ses propres actions et favoriser la réflexivité ? Et surtout, sur quels outils s'appuyer ? Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur une méthode ethnographique (observation, entretiens et archives) et structurerons l'article en trois temps. Dans un premier moment, nous nous attacherons à décrire l'association et ses spécificités. Nous énoncerons la vision générale de l'association ainsi que ses objectifs à long terme et son soucis particulier d'autonomie financière par rapport à l'État et aux entreprises privés. Ensuite, nous mettrons l'accent, d'une part, sur la complexité institutionnelle liée à son caractère multinational, la multiplicité des entités qui la composent et des projets qu'elle souhaite mener, son ambition de croissance et son impératif de gouvernance démocratique. D'autre part, sur les questions touchant à la dispersion géographique de ses membres, l'hétérogénéité de leurs compétences et les différents degrés d'implication. Dans un second temps, nous nous attellerons à rendre compte de comment elle a conçu et organisé son management autour de l'utilisation de différents outils numériques. En effet, dès la communication, en passant par la gestion de tâches et de processus, jusqu'aux mécanismes de prise de décision, la globalité des activités de l'association s'appuie (ou s'appuiera) sur des logiciels. Dans le cas de cet article, nous nous focaliserons néanmoins sur seulement trois besoins, qui se sont avérés jusqu'ici les principaux : la communication entre les membres, la planification des tâches à réaliser et le partage des fichiers informatiques. Puis, en dialoguant avec la littérature pertinente (Chiapello, Gilbert, et Baud 2013; Guichard 2015; Cardon 2010; Pellegrini, Canevet, et Rocard 2013), nous présenterons les différents critères qui ont orienté les choix parmi les différents outils disponibles sur le marché, notamment le type de licence (les logiciels libre étant préférés pour plusieurs raisons), le dynamisme de la communauté d'utilisateurs et les préoccupation avec l'interopérabilité et la scalabilité. Nous expliciterons ainsi les motifs pour la triade choisie est constituée par Redmine, Zulip et Nextcloud. Dans un troisième temps, nous décrirons le processus de mise en place de ces logiciels et les conséquences de leurs utilisations au sein de l'association. Nous montrerons en quoi ces outils numériques, leur maîtrise et leur utilisation collective participent activement à renforcer la structure et l'organisation de l'association. Bien entendu, nous ferons aussi état des difficultés inhérentes à l'introduction de ces outils : doutes, résistances au changement, mauvaises utilisations, bugs. De plus, nous montrerons dans quelle mesure les outils sélectionnés permettent de construire des « prises » (Bessy et Chateauraynaud 2014) pour que l'association puisse mieux enquêter sur ses propres pratiques et activités, dans une « logique continuellement expérimentale » (Dewey 1993) destinée à nourrir sa réflexivité en tant qu'institution. En effet, nous montrerons qu'en utilisant ces outils numériques les membres de l'association produisent des données qui constituent autant de traces historiques (Ginzburg 2010) qu'il devient possible de récolter et d'exploiter de façon à créer un nouveau type d'apprentissage collectif. En particulier, l'apport complémentaire d'outils d'analyse de texte tels que Prospéro (Chateauraynaud 2003) ou Gargantext (Leitzelman 2018; Chavalarias et Delanoë 2018) permettrait probablement de développer l'idée qu'une « réflexivité assistée par ordinateur » puisse émerger.
Suggested Citation
Émilien Cristia & Felipe Batista & Waldir Lisboa Rocha, 2019.
"Choisir ses outils numériques pour accompagner le développement de son organisation associative,"
Working Papers
hal-02999907, HAL.
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