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En 1997-98 une crise monétaire et financière a touché successivement l'Asie du Sud-Est, la Russie et le Brésil, semant à chaque fois le chômage et la désolation. Elle suscite de grandes inquiétudes pour la stabilité économique mondiale, y compris des pays industrialisés. Le trouble a gagné des économistes néo-libéraux et des gouvernements occidentaux. Les interventions du Fonds Monétaire International (FMI) dans les pays "émergents", ont surtout démontré la faiblesse de leur diagnostic et leur impuissance à contenir les crises. Au-delà des voeux pieux habituels pour une réduction de l'instabilité internationale, des propositions de réformes ont donc été faites. Insuffisantes en elles-mêmes, elles ont en outre été délaissées dès 1999, après la crise. Ces propositions concernent d'abord l'amélioration de la gestion des institutions financières privées et publiques: transparence des opérations des banques et de celles du FMI, surveillance des bilans bancaires selon la réglementation Cooke, et d'autres mesures du même ordre. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) a déjà promu des mesures de ce type, peut-être insuffisantes : ainsi en 1999 la BRI mise davantage sur l'auto-contrôle des banques par leurs propres modèles de régulation interne. Tout le monde y souscrit, mais les résultats apparaissent décevants. D'autres propositions sont plus novatrices. Ainsi le néo-libéral J. Sachs préconise l'instauration d'un organisme mondial autre que le FMI. Cette nouvelle institution émettrait des liquidités pour aider un pays affecté par une panique financière brutale analogue à celle qui a dévasté des monnaies asiatiques en 1997. Elle ferait au plan international ce que la Banque centrale américaine, (la FED), a fait pour la Bourse de Wall Street, en octobre 1997: prêter sans conditions des liquidités pour bloquer le krach. Problème : quelle monnaie serait ainsi utilisée, alors qu'il n'existe pas de monnaie internationale de référence officiellement admise ? D'autres économistes, qui ont critiqué la libéralisation totale des mouvements de capitaux par les pays " émergents " sous la pression des orientations néo-libérales du FMI, (ouverture prématurée, selon les uns, discutable en elle-même selon les autres, et qui dans tous les cas a exposé ces pays à des vagues d'entrées et sorties de fonds étrangers échappant à leur contrôle) en appellent à une modification de la doctrine du FMI. Pour faire face à l'instabilité financière internationale, une réforme du FMI. Une réforme a ainsi été proposée dans un texte officiel français issu du Ministère des finances. Son ambition affichée est celle de la construction d'un " nouveau Bretton Woods ", c'est-à-dire d'un nouvel accord de coopération monétaire entre États. Il ne s'agit pas pour autant d'adopter un nouveau régime de change, ni d'abolir la hiérarchie internationale des monnaies fondée sur la domination des devises clés. Par contre le FMI, issu des accords de Bretton Woods de 1944, serait transformé, avec la mise en place d'un " véritable gouvernement politique du FMI, par la transformation de l'actuel Comité intérimaire en Conseil " L'actuel Comité intérimaire, composé de 24 membres du niveau ministres des finances ou gouverneurs de banques centrales, se réunit deux fois par an pour étudier les grandes orientations du FMI et les pays capitalistes développés y occupent la place principale. La réforme proposée par Bercy donnerait à ce Conseil un rôle politique et stratégique dans la prévention des crises financières. Le problème est qu'elle ne remet aucunement en cause la domination monétaire du monde par les grandes puissances. Elle n'indique pas non plus quel pourrait être le champ d'intervention du nouveau FMI, en dehors de recommandations traditionnelles sur la transparence et la circulation de l'information, et de mesures de co-gestion, avec le secteur privé, des crises financières une fois que celles-ci ont éclaté. Ces mesures de co-gestion sont déjà pratiquées. Ainsi l'Administration américaine a réuni, au début de 1998, les grandes banques internationales pour leur enjoindre de différer le remboursement de leurs crédits à la Corée du Sud : après l'éclatement de la crise ! A la demande du G7, le Président de la Budesbank, Hans Titmeyer, a lui aussi rédigé un rapport préconisant des mesures destinées à la stabilisation financière. Là encore, abondent les voeux pieux sur la transparence financière, la bonne gestion prudentielle des institutions financières, et une meilleure concertation entre banques centrales, organisations internationales et secteur privé. Mais aucune réforme significative n'est proposée. Les ministres des finances français et allemands avaient proposé en décembre 1998 de limiter les fluctuations de l'euro et du dollar l'un par rapport à l'autre, par l'instauration d'une plage de variations tolérables, au-delà desquelles les autorités monétaires interviendraient. Proposition qui intéressait le gouvernement japonais, soucieux de former une véritable zone yen. Mais le refus des États-Unis et l'hostilité déclarée des milieux financiers internationaux et de la Banque Centrale Européenne à toute intervention régulatrice des États, ont contribué à la déstabilisation d'O. Lafontaine et à son éviction du gouvernement allemand. Il faut donc aller plus loin. Le point commun à toutes les propositions officielles aujourd'hui débattues est qu'elles écartent explicitement ou implicitement toute limitation de la liberté de mouvement des capitaux, et même toute taxation de ces mouvements. Or cette libéralisation totale nourrit les excès de la finance spéculative. Sa remise en cause est devenue un préalable à toute réforme soucieuse de modérer l'instabilité monétaire et financière.
Suggested Citation
Suzanne de Brunhoff & Bruno Jetin, 2000.
"Taxe Tobin : une mesure forte contre l’instabilité financière,"
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