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Cet article s'intéresse aux conditions de pilotage de l'action organisée en situation de forte incertitude. Pour y répondre, la démarche va consister à différencier différentes classes de complexité en comparant d'une part la relation entre la connaissance disponible et le temps requis pour prendre une décision, et d'autre part le nombre de niveaux d'analyse mis en jeu dans l'action. Méthodologiquement, l'approche s'inspire de la méthode dite de « résolution de problème inverse ». La démarche proposée permet de définir les enjeux pratiques et épistémologiques associés au pilotage de trois classe de complexité. Dans la complexité de classe I il importe de prendre en compte la dimension multi-niveaux des phénomènes à piloter, chaque niveau et ses sous composantes ayant leur propre temporalité. Piloter des objets de complexité de classe I c'est d'abord identifier les différents registres temporels en jeu, les séquencements sur lesquels ces différents registres coévoluent sans incompatibilité, et ceux, au contraire, pour lesquels certains registres de temporalité deviennent surdéterminants par rapport à d'autres. Dans la complexité de classe II il y a une impossibilité de prédiction sur un horizon temporel nécessaire à l'action, ou une impossibilité de calculabilité à un instant t. Dans de telles configurations il s'agit de mettre en place, non pas une ingénierie des connaissances, mais une ingénierie de l'interaction qui cherche à concevoir des systèmes d'interaction, de coordination qui permettent de piloter en pratique les processus. La complexité de classe III conduit quant à elle à approfondir la conceptualisation de l'action managériale. Il semble central d'avoir une stratégie de définition de « tensions adaptatives » puis de retrait pour laisser les dynamiques endogènes s'auto-organiser. Cette troisième classe de complexité vient réintérroger des catégories souvent considérées comme positives dans le pilotage de l'action organisée, alors qu'elles apparaissent potientiellement inhibantes en complexité de classe 3 : ainsi en est-il des phénomènes de leadership, de personnalités à fort ego, de forte cohésion de groupe, ou d'un forte culture d'entreprise. Cet article met en avant le fait que le pilotage de l'action organisée peut-être modulaire – selon la classe de complexité –, et d'autre part constamment réévalué et réajusté pour tenir compte des évolutions des contextes et des dynamiques endogènes des systèmes à manager. En d'autres termes, du moment que l'on considère que les objets de recherche ne s'inscrivent pas nécessairement dans une problématique d'équilibre, il semble peu productif d'avoir une posture méthodologique, conceptuelle ou épistémologique prédéfinie une fois pour toute. Autant d'éléments qui soulignent l'intérêt de développer, lorsque l'objet de recherche le requiert, des approches multiparadigmatiques et multiméthodologiques. L'étude des activités de recherche et de développement pose un réel défi intellectuel dont il est intéressant de résumer les termes : d'une part nous n'avons pas, par définition, de bases de connaissances ex-ante qui permettraient de concevoir l'invention et/ou l'innovation technologique, et d'autre part tout projet de recherche est associé à une indétermination non seulement sur l'échéance mais aussi, et plus fondamentalement, sur la possibilité effective d'innover dans les termes définis dans le projet initial. Nous avons ainsi une incertitude sur deux des leviers centraux du management des organisations : la définition et/ou le contrôle des processus, et une coordination par les résultats (Mintzberg, 1986). Ce défit intellectuel est aussi une opportunité. Il permet en effet de revenir sur une des problématiques centrales des sciences de gestion : les conditions de pilotage de l'action organisée en situation de forte incertitude. C'est à l'étude de cette question que va s'attacher le présent article. Pour y répondre, la démarche va consister à différencier différentes classes de complexité, non pas en partant de positions épistémologiques prédéfinies, mais en commençant par mobiliser une heuristique pragmatique. Cette dernière consiste à comparer d'une part la relation entre la connaissance disponible et le temps requis pour prendre une décision, et d'autre part le nombre de niveaux d'analyse mis en jeu dans l'action. Méthodologiquement, l'approche s'inspire de la méthode dite de « résolution de problème inverse ». Les problèmes inverses sont des catégories de problème qui, dans les sciences dites dures, permettent de retrouver les caractéristiques pertinentes d'un phénomène à partir de l'étude de certains de ces effets. Ainsi la partition entre différentes classes de complexité permet d'identifier certaines manifestations – certains effets – de l'action organisée dont nous essaierons de retrouver les fondements. La démarche proposée doit permettre de définir les enjeux pratiques et épistémologiques associés au pilotage de chaque classe de complexité. Après avoir présenter brièvement les préalables méthodologiques de cette analyse (I), l'article exposera les différentes classes de complexité (II, III, IV). Une brève conclusion résumera le propos de l'article.
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