Financiarisation du système agroalimentaire mondial et restructuration des forces productives au sein des chaînes globales de valeurs agricoles

La répétition des évènements climatiques extrêmes et leurs effets sur l'agriculture et la production alimentaire ont entraîné le retour (dans les débats tant publique qu'académique) de préoccupations pour les problématiques agraires. Ces préoccupations consistent, entre autre, en une discussion critique de la structure du système agroalimentaire mondial, qui désigne l'ensemble des activités, processus, acteurs et institutions (ainsi que leurs interactions) impliqués dans la production, la distribution et la consmmation de denrées agricoles et alimentaires à une échelle global. La structure de ce système a évolué de manière asymmétrique renforçant les inégalités tout au long des chaînes globales de valeurs agricoles. Ainsi en témoigne la crise des prix agricoles de 2007-2008, dont les conséquences ont été ressenti le plus durement par les agriculteurs et les paysans. Cette reconfiguration du pouvoir et du profit dans le système agroalimentaire semble prendre racine dans le retrait des États de la production agricole et alimentaire dans les années 1980. Alors que certaines récentes dynamiques agraires (à l'image de l'accaparement des terres ou la volatilité accrue des prix des denrées) ont pu être perçues comme conjoncturelles, une série d'approches alternatives ont émergées dans le cadre le l'analyse des régimes de production alimentaire. La contribution de cette littérature est double : tout d'abord, liant les flux mondiaux de denrées alimentaires et les dynamiques structurelles d'accumulation du capital, elle permet une périodisation du système agroalimentaire mondial. Ensuite, elle propose comme source des défis auxquelles fait face l'agriculture mondiale les fondements même du régime contemporain de production alimentaire. En particulier, elle place la financiarisation au cœur des récentes transformations mentionnées plus haut. Nous soutenons que, bien que le financiarisation permette de mettre en lumière des dynamiques cruciales impliquant de nouveaux acteurs et de nouvelles stratégies dans le système agroalimentaire mondial, elle n'est qu'une face d'une même pièce : celle de la restructuration des forces productives dans les chaînes de valeur globales agricoles. Cette article vise ainsi à repenser le role de la financiarisation dans les dynamiques du régime de production alimentaire contemporain. Pour ce faire, nous montrons que les récente transformations du système agroalimentaire mondial sont l'expression de l'expansion de l'agriculture capitaliste aux systèmes agraires de nouvelles géographies, impactant ainsi les structures socio-économiques et les trajectoires de développement de ces géographies (notamment dans les zones rurales). Nous insistons sur le fait que cette expansion résulte des opérations du capital propre au régime de production alimentaire contemporain. Nous identifions ainsi trois opérations : l'assetisation des processus agraires, la reconfiguration des régimes de propriétés à des fin de contrôle sur la production et l'industrialisation de la production alimentaire comme processus de valorisation. De manière à montrer l'opérationnalité de ce cadre analytique, nous l'appliquons à l'analyse de la chaîne globale de valeur du café et à sont évolution depuis l'effondrement de l'Accord international sur le café en 1989. Nous replaçons la chaîne de valeur dans le contexte du régime de production alimentaire contemporain de manière à expliciter certaines des tendances telles que la volatilité accrue des prix mondiaux, la concentration de certains segments de la filière (l'export et la torréfaction notamment) ainsi que les changements des schémas de consommation et leurs liens avec les nouveaux rapports de force entre régions productrices d'Arabicas et de Robustas.