Le rôle potentiel des indications géographiques dans les transitions agroécologiques : extension du cadre IAD/SES

Depuis plus d'un siècle, le développement des indications géographiques (IG) a joué un rôle important dans la dynamique de développement territorial en France ainsi que dans la préservation des produits agricoles locaux et des spécialités culinaires, dans un contexte de modernisation et d'intensification de l'agriculture et de standardisation des produits alimentaires initié après la Seconde Guerre mondiale (Barham et Sylvander, 2011). Les systèmes de production des Indications Géographiques sont des approches localisées basées sur un terroir, c'est-à-dire la conjonction spécifique de connaissances et de cultures humaines, de techniques et de leur environnement naturel local. Une dimension clé des IG réside également dans leurs modèles spécifiques d'action collective et d'auto-organisation des acteurs (notamment à travers les Organismes de Défense et de Gestion, ODG), qui peuvent ou non constituer un levier pour faciliter l'apprentissage collectif et le transfert de connaissances. Le projet GingKo vise à examiner les différentes stratégies développées par les systèmes d'IG dans le contexte de la transition agroécologique (évolution des cahiers des charges, des systèmes de production et des pratiques, co-certifications environnementales ou biologiques, etc.) ainsi que les défis socio-économiques spécifiques des IG vers des systèmes socio-écologiques plus durables. Notre proposition de recherche vise à étendre le cadre IAD/SES d'Ostrom (2009) en définissant les IG comme des biens communs de la connaissance (Mazé, 2023). En raison de l'importance de l'"approche fondée sur les preuves" pour établir le lien spécifique avec le terroir, les systèmes sous IG fournissent une étude de terrain particulièrement intéressante pour disséquer les interactions entre les biens communs naturels et les biens communs de la connaissance (Ostrom 2009, Hess, 2012 ; Mazé 2023), et l'importance du concept d'encastrement territorial ou écologique (Penker 2006, Bowen et Mutersbaugh 2014 ; Baritaux et al. 2016.). Comme le soulignent Köhler et al. (2019), l'analyse des transitions " appelle des modes d'investigation orientés vers les processus " qui peuvent être compris comme " décrivant, analysant et expliquant le quoi, le pourquoi et le comment d'une certaine séquence d'action individuelle et collective " (Pettigrew, 1997). Par conséquent, nous suggérons une application dynamique du cadre IAD/SES aux systèmes sous IG, en mettant l'accent sur leurs systèmes de gouvernance ("qui peut faire quoi à qui et sous quelle autorité ?") et sur les pratiques agro-écologiques afin d'examiner les processus et d'identifier les leviers potentiels pour les transitions agro-écologiques (Vidal et al., 2020). Pour retracer ces processus de transition, nous proposons d'adopter une approche basée sur la modélisation des trajectoires à partir de la collecte de données secondaires et d'une méthode mixte inspirée de la méthode narrative quantifiée (Grossetti et al. 2011 ; Polge et Pagès, 2022) qui permet de comprendre et de décrire les changements dans le temps. Cette approche nous permet (1) d'identifier les situations d'action, les acteurs impliqués et les résultats associés (2) d'identifier les changements dans les composantes de l'IG. En analysant la dynamique des SES dans le temps, nous pourrons comprendre les relations causales entre les processus à l'œuvre et comprendre les dynamiques économiques et sociales qui entourent les IG, affectant à la fois leur environnement et le développement de systèmes plus résilients. Actuellement, douze études de cas, en France et à l'étranger, couvrant une gamme d'agroécosystèmes caractérisés par des conditions pédoclimatiques distinctes, ainsi que des productions - vignobles, fruits et légumes, animaux (volailles, ovins, caprins, bovins, production laitière, etc.) - utilisent ce cadre conceptuel.