IDEAS home Printed from https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-04829667.html
   My bibliography  Save this paper

Vulnérabilité énergétique des ménages : une analyse "complète"

Author

Listed:
  • Richard Grimal

    (Cerema Equipe-projet ESPRIM - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement - Equipe-projet ESPRIM - Cerema - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement, MATRiS - Mobilité, Aménagement, Transports, Risques et Société - Cerema - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement - CY - CY Cergy Paris Université)

Abstract

La littérature sociale sur les transports comporte deux branches qui font généralement l'objet de travaux séparés : (a) L'une d'entre elles traite du désavantage social en matière de transports (e.g., Xiao et al., 2018), incluant notamment les problématiques d'exclusion (e.g., Hine et Mitchell, 2016), d'inégalités sociales (e.g., Paulo, 2006) et d'accessibilité (e.g., Metz, 2003), susceptibles d'être causées par des ressources financières limitées, l'absence de permis de conduire ou de véhicule, le manque d'offre de transport adaptée, ou encore l'existence de handicaps physiques et cognitifs. (b) Un autre courant de littérature ayant émergé dans les années 2000-2010 dans le prolongement des analyses sur la dépendance automobile, aborde les questions de vulnérabilité budgétaire des ménages face aux coûts de transport (e.g., Pochet et Nicolas, 2007), en particulier la vulnérabilité énergétique dans un contexte de forte hausse des prix des carburants (e.g., Dodson et Sipe, 2007). Ces deux courants sont relativement étanches, ce qui s'explique en partie par le fait qu'ils portent généralement sur des publics différents, les questions de désavantage transport touchant davantage les ménages les plus pauvres, tandis que la vulnérabilité énergétique est plutôt une problématique de classes moyennes, qui ont davantage les moyens de se motoriser mais peuvent néanmoins se trouver fragilisés financièrement par des coûts de transport non-anticipés ou mal évalués. Ce risque se trouve aggravé par une distribution spatiale inappropriée des groupes sociaux au regard des coûts de transport (e.g., Viddyatama et al., 2013) qui découle des dynamiques sur les marchés immobiliers métropolitains, avec une « gentrification » des coeurs de ville (Bunting et al., 2004) et une éviction des catégories populaires vers les zones périurbaines entraînant une « suburbanisation de la pauvreté » (e.g., Hochstenbach et Musterd, 2018), où celles-ci sont plus dépendantes de l'automobile et doivent supporter des coûts de transport plus élevés (Belton-Chevallier et al., 2018). En raison de la distinction des deux approches, les analyses de la vulnérabilité énergétique surtout basées sur des critères budgétaires font l'objet de critiques en ce qu'elles tendent à ignorer le cas des ménages dé-motorisés qui, en dépit de dépenses de transport restreintes, peuvent néanmoins se trouver fragilisés d'une autre manière à travers le renoncement partiel à se déplacer (e.g., Nicolas et al., 2012), dans la mesure où la mobilité constitue également un vecteur d'intégration économique et sociale (e.g., Lucas, 2010). Ces deux approches complémentaires de la « question sociale » liée aux transports sont toutefois susceptibles d'être intégrées via la construction d'un indicateur de vulnérabilité « complète », tenant compte à la fois des vulnérabilités budgétaires et socio-économiques, en considérant le désavantage transport comme une forme de vulnérabilité socio-économique. L'analyse des impacts des hausses de prix des carburants peut alors être envisagée selon ces deux angles complémentaires, en tenant compte de la capacité adaptative des ménages manifestée par l'élasticité-prix de la demande. En effet la plupart des approches de la vulnérabilité sont généralement budgétaires et statiques, c'est-à-dire qu'elles évaluent l'impact d'une hausse des prix des carburants sur la vulnérabilité énergétique des ménages sans tenir compte de leur réponse comportementale à travers une réduction potentielle de l'usage de la voiture. De plus même lorsque des comportements adaptatifs sont intégrés (e.g., Mattioli et al., 2018), l'analyse est généralement limitée aux impacts budgétaires, sans tenir compte des répercussions socio-économiques, ce qui amène probablement à surestimer le potentiel d'atténuation de la vulnérabilité énergétique lié à l'adaptation des comportements via la réduction de l'usage de la voiture. En effet, si celle-ci contribue à atténuer l'impact d'une hausse du prix des carburants sur la vulnérabilité budgétaire, ce bénéfice est toutefois susceptible d'être partiellement ou totalement effacé par une augmentation de la vulnérabilité socio-économique liée au renoncement à se déplacer. Dans cette étude, on cherche justement à mettre en oeuvre une analyse complète de la vulnérabilité énergétique intégrant à la fois les aspects budgétaires et socio-économiques, en simulant l'impact de différents scénarios articulant les évolutions de prix avec les autres composantes contribuant à déterminer le niveau de pression budgétaire ressenti, à savoir l'évolution du niveau de vie et les progrès réalisés en matière d'efficacité énergétique des véhicules, tous deux susceptibles de contribuer à atténuer ou aggraver les impacts des prix sur le taux d'effort énergétique des ménages selon les scénarios. Ces derniers sont construits en prolongeant les tendances passées et en introduisant des ruptures potentielles, en veillant à assurer une cohérence interne liée aux effets de rétroaction de la demande énergétique sur les prix des carburants, qui dépendent simultanément de la demande et de la fiscalité énergétiques. L'analyse révèle que tous les scénarios présentant une accélération des gains d'efficacité énergétique causée par une percée technologique majeure permettraient d'éviter une hausse du coefficient budgétaire des ménages, même dans des scénarios très défavorables au plan économique, dans le cas d'une récession combinée avec une forte hausse des prix des carburants. Le progrès technologique apparaît ainsi comme l'instrument privilégié afin de contenir la vulnérabilité énergétique. Au contraire, les scénarios de récession prolongée combinée avec la poursuite tendancielle des gains d'efficacité énergétique aboutissent à une quasi-généralisation de la vulnérabilité énergétique en 2050. L'analyse montre également que l'adaptation des comportements ne présente quasiment aucun bénéfice si on raisonne en vulnérabilité complète, car l'atténuation de la vulnérabilité budgétaire est effacée par l'augmentation de la vulnérabilité socio-économique causée par le renoncement à se déplacer, ce qui élimine l'intérêt social d'une hausse de la fiscalité sur les carburants, même si celle-ci est susceptible de présenter un avantage environnemental par ailleurs. Les groupes qui voient leur vulnérabilité complète augmenter le plus fortement sont les classes moyennes et les résidents des espaces peu denses mal desservis par les transports en commun, contenant l'espace rural, les zones périurbaines et les banlieues des villes moyennes. Les résidents de la « France périphérique » (petites aires urbaines et espace rural) présentent une très forte augmentation de leur niveau de vulnérabilité critique. Au final on propose un jeu de politiques publiques qui seraient de nature à contenir la hausse de la vulnérabilité énergétique : la poursuite voire l'accélération des gains d'efficacité énergétique demeure le levier principal, mais l'aide financière aux ménages vulnérables, l'augmentation de l'offre de transport en commun dans les agglomérations intermédiaires, et la production d'une offre de logement subventionnée destinée aux classes moyennes dans les coeurs de ville apparaissent comme autant de solutions complémentaires attractives. BELTON CHEVALLIER, L., MOTTE-BAUMVOL, B., FOL, S., JOUFFE, Y. (2018). Coping with the costs of car dependency: a system of expedients used by low-income households on the outskirts of Dijon and Paris, Transport Policy, 65, 79–88. BUNTING, T., WALKS, A., FILION, P. (2004). The uneven geography of housing affordability stress in Canadian metropolitan areas, Housing Studies, 19 (3), 361-393. DODSON J., SIPE N. (2007). Oil vulnerability in the australian city: assessing socio-economic risks from higher urban fuel prices, Urban Studies, 44 (1), 37-62. HINE, J., MITCHELL, F. (2016). Transport disadvantage and social exclusion: exclusionary mechanisms in transport in urban Scotland, e-book, 168 p, Routledge. HOCHSTENBACH, C., MUSTERD, S. (2018). Gentrification and the suburbanization of Poverty: changing urban geographies through boom and bust periods, Urban Geography, 39 (1), 26-53. LUCAS, K. (2010). Transport and social exclusion: where are we now ?, 12th World Conference on Transportation Research, July 11-15th, 2010, Lisbon, Portugal. MATTIOLI, G., WADUD, Z., LUCAS, K. (2018). Vulnerability in fuel price increases in the UK: a household level analysis, Transportation Research Part A: Policy and Practice, 113, 227-242. METZ, D. (2003). Transport policy for an ageing population, Transport Reviews, 23 (4), 375-386. NICOLAS, J.-P., VERRY D., VANCO F. (2012). Utiliser la voiture pour se déplacer au quotidien : taux d'effort et vulnérabilité des ménages face à l'augmentation du prix des carburants, Revue d'Economie Régionale et Urbaine, 1, 5-30. PAULO C. (2006). Inégalités de mobilités : disparités des revenus, hétérogénéité des effets, Christelle PAULO, thèse de doctorat de sciences économiques. POCHET P., NICOLAS J.P. (2007) Social inequalities in access to cars and daily mobility: the French experience, in International Conference on Public Transport and Urban Citizenship: Making Dublin the capital of Ireland, The Policy Institute, Trinity College, Dublin. VIDDYATAMA, Y., TANTON, R., NEPAL, B. (2013). The effect of transport costs on housing-related financial stress in Australia, Urban Studies, 50 (9), 1779-1795. XIAO, R., WANG, G., WANG, M. (2018). Transportation disadvantage and neighbourhood socio-demographics: a composite indicator approach to examining social inequalities, Social Indicators Research, 137, 29-43, Springer.

Suggested Citation

  • Richard Grimal, 2024. "Vulnérabilité énergétique des ménages : une analyse "complète"," Post-Print hal-04829667, HAL.
  • Handle: RePEc:hal:journl:hal-04829667
    as

    Download full text from publisher

    To our knowledge, this item is not available for download. To find whether it is available, there are three options:
    1. Check below whether another version of this item is available online.
    2. Check on the provider's web page whether it is in fact available.
    3. Perform a search for a similarly titled item that would be available.

    Corrections

    All material on this site has been provided by the respective publishers and authors. You can help correct errors and omissions. When requesting a correction, please mention this item's handle: RePEc:hal:journl:hal-04829667. See general information about how to correct material in RePEc.

    If you have authored this item and are not yet registered with RePEc, we encourage you to do it here. This allows to link your profile to this item. It also allows you to accept potential citations to this item that we are uncertain about.

    We have no bibliographic references for this item. You can help adding them by using this form .

    If you know of missing items citing this one, you can help us creating those links by adding the relevant references in the same way as above, for each refering item. If you are a registered author of this item, you may also want to check the "citations" tab in your RePEc Author Service profile, as there may be some citations waiting for confirmation.

    For technical questions regarding this item, or to correct its authors, title, abstract, bibliographic or download information, contact: CCSD (email available below). General contact details of provider: https://hal.archives-ouvertes.fr/ .

    Please note that corrections may take a couple of weeks to filter through the various RePEc services.

    IDEAS is a RePEc service. RePEc uses bibliographic data supplied by the respective publishers.