Guerre info-centrée et recomposition du champ de bataille ; quels impacts pour la conception des besoins capacitaires

Par-delà l'émergence de nouvelles capacités militaires avec, en tête, le foisonnement des drones en Ukraine, le champ de bataille se recompose rapidement autour de l'usage des données. Tout laisse envisager que cette évolution devrait s'accentuer dans les prochaines années sous la double influence des leçons tirées des engagements, en particulier en Ukraine, et de l'évolution des possibilités technologiques, en particulier le déploiement de solutions d'intelligence artificielle. Le champ de bataille tend à se confondre de plus en plus avec un espace de données qui peuvent être collectées (pour assurer la transparence du champ de bataille), exploitées en quasi temps réel (pour dominer l'adversaire) ou encore permettre une plus grande efficacité de l'emploi des capacités et des troupes déployée (notamment en nourrissant des algorithmes d'intelligence artificielle afin de réduire le « brouillard de la guerre »). Si toutes les nouvelles capacités appuient leur efficacité sur une consommation massive de données, il est important de s'interroger sur les transformations structurelles qui ne sont pas nécessairement perceptibles aujourd'hui, mais qui peuvent conduire à repenser la conception des capacités militaires. En effet, dans quelle mesure l'accès et l'exploitation des données remettent-ils en question le développement capacitaire ? En effet, les principaux pays producteurs d'armes ont concentré leurs efforts depuis un demi-siècle sur l'amélioration de plateformes majeures dont le coût devient insoutenable, confirmant la Loi d'Augustine, mais qui arrivent aujourd'hui à certaines limites. De plus, l'intégration croissante de fonctionnalités sur des plateformes de plus en plus complexes en nombre de plus en plus réduit rend intenable cette trajectoire. La question proposée dans cette contribution est d'analyser dans quelle mesure la place croissante des données dans les opérations militaires entraîne une remise en question de cette approche de l'efficacité militaire et donc de la conception des capacités militaires dans leur définition et leur rapport à l'usage des données.