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Abstract
L'économie de la Polynésie française s'est historiquement caractérisée par une forte intervention de la puissance publique sur les marchés, mais aussi par une absence de cadre juridique permettant de guider les comportements des entreprises en matière de concurrence. Cet héritage du transfert lacunaire de la compétence économique réalisé par l'Etat français au profit des autorités locales, antérieur à l'adoption de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986, avait en effet empêché l'application automatique de ses dispositions au territoire polynésien. Par la suite, et pendant de longues années, les décideurs locaux se sont opposés à l'extension du droit français de la concurrence aux îles polynésiennes, sans pour autant adopter de dispositif propre protégeant la concurrence. Les Etats-généraux de l'outre-mer en 2009, et les débats qu'ils ont induit au sein de la société polynésienne, ont progressivement conduit à la création du code de la concurrence et de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC), première autorité administrative indépendante territoriale de la République française . A l'occasion de sa visite en Polynésie française en août 2023, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, M. Gérald Darmanin, a annoncé le lancement d'une mission nationale sur « les monopoles », facteurs potentiels de vie chère, bien que la compétence en matière d'économie relève exclusivement du gouvernement polynésien et que la majorité nouvellement élue soit de surcroît indépendantiste. Quelques jours plus tard, le 7 septembre, le JORF publiait le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale (AN) sur le coût de la vie en outre-mer, paru en juillet 2023, au sein duquel une place importante est faite aux questions de concurrence, à la fois dans le diagnostic et dans les propositions de réforme. Le rapport étudie la situation polynésienne, à la fois pour suggérer de nouvelles évolutions du droit de la concurrence dans ce territoire et pour proposer de généraliser à l'ensemble des outre-mer certaines dispositions qui y sont en vigueur. Le Conseil économique, social et environnemental métropolitain (CESE) a lui-même publié un avis sur la question en octobre 2023, dans lequel sont également faites des recommandations de renforcement de la politique de concurrence, y compris en Polynésie française. Les différences de coûts de la vie entre la métropole et les outre-mer, cependant, ont des causes multiples et il est bien difficile d'incriminer le seul fonctionnement concurrentiel des marchés ultramarins. Si des similitudes structurelles peuvent exister entre les différents territoires, les particularités de chacun en termes d'éloignement, d'étroitesse des marchés, de fiscalité et de réglementation de l'activité économique expliquent probablement aussi une grande partie des écarts à la fois par rapport à l'hexagone et entre les territoires eux-mêmes. En outre, lorsque l'avis indique que « les prix sont de plus en plus élevés et les écarts avec l'hexagone se sont accentués en 2022 par rapport à 2015 et 2010 » (p. 4), il apparaît nécessaire d'apporter une correction à partir des dernières informations statistiques disponibles. L'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) montre en effet un écart de 30,8 % en 2022, contre 38,5 % en 2016, ce qui représente une amélioration sensible en six ans, malgré la crise Covid et la forte inflation mondiale qui a suivi. A l'image de cet exemple, l'objet de cette contribution est de montrer que le cas de la Polynésie française est souvent trop superficiellement, voire faussement, exposé de sorte que les propositions basées sur son étude incorrecte risquent d'être inadaptées. Le rapport de l'AN n'échappe malheureusement pas à ce constat en dressant un diagnostic contestable de la situation (I), à la fois par la présentation d'un tableau déformé de l'économie polynésienne (A) et par l'exposé de pratiques nocives supposées, malgré un fondement factuel insuffisamment solide pour les étayer (B). Il s'ensuit des propositions qui heurtent les bases doctrinales de l'antitrust les mieux établies (II), que ce soit par le soutien à un contrôle injustifié de la croissance interne des entreprises (A) et par une dérive très réglementaire du contrôle des comportements (B).
Suggested Citation
Florent Venayre & Christian Montet, 2024.
"Coût de la vie en outre-mer et politique de la concurrence en Polynésie française,"
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