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Un premier modèle alternatif de gouvernance: l'actionnariat salarié

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  • Nicolas Aubert

    (CERGAM - Centre d'Études et de Recherche en Gestion d'Aix-Marseille - AMU - Aix Marseille Université - UTLN - Université de Toulon, AMU IAE - Institut d'Administration des Entreprises (IAE) - Aix-en-Provence - AMU - Aix Marseille Université)

Abstract

Le capitalisme est fréquemment dénoncé comme le responsable des maux de notre temps. Son déploiement affecterait ainsi toutes les dimensions du bien commun identifiées dans cet ouvrage. Il serait incompatible avec la sobriété et le développement humain, détruirait les solidarités, l'environnement et empêcherait d'envisager sereinement l'avenir des générations futures. Les alternatives au capitalisme n'ayant pas survécu et les critiques contemporains n'ayant pas encore proposé de meilleur système, nous serions condamnés à vivre avec lui. Pour d'autres, le capitalisme serait aussi le seul système ayant justement favorisé le bien commun. Le doux commerce rapprocherait les femmes et les hommes, favoriserait le développement humain grâce aux échanges intellectuels et culturels et assurerait l'avenir des générations futures alors que la quête des profits les plus élevés serait source d'optimisation. Des propositions diverses ont été envisagées au cours de l'Histoire. Nous évoquons le partage du capital ou l'actionnariat salarié comme l'une d'entre elles. Il a, selon nous, le potentiel de répondre à certains défis contemporains. Ces défis sont la pauvreté, les conditions de travail et les inégalités, eux-mêmes liés aux enjeux climatiques et environnementaux. On parle d'actionnariat salarié lorsque des salariés détiennent des actions ou des parts de l'entreprise pour laquelle ils travaillent. Ces actions leur donnent des droits de vote aux assemblées générales d'actionnaires, des droits sur les profits distribués sous forme de dividendes et des droits sur l'accroissement de la valeur de l'entreprise. Les effets que l'on peut attendre de l'actionnariat salarié dépendent des modèles adoptés et des pratiques managériales qui l'accompagnent. L'actionnariat salarié peut en effet prendre des formes diverses. Un actionnariat salarié qui concourt au bien commun dans une perspective d'écologie intégrale doit remplir certaines conditions. Le coût financier pour les salariés doit être réduit voire nul dans certains cas (condition d'accessibilité). Une part très significative du capital doit être détenu, 30 % au moins (condition de significativité). Enfin, tous les salariés doivent pouvoir en bénéficier et les actions doivent être uniformément réparties entre les salariés (conditions d'universalité et d'uniformité). Des modèles qui remplissent ces conditions existent. On peut citer les coopératives de travail (Sociétés coopératives de production (SCOP) en France). Nous faisons particulièrement référence à l'Employee stock ownership plans (ESOP), un autre modèle qui présente un potentiel pour développer l'actionnariat salarié dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). L'accroissement de la pauvreté et des inégalités, la dégradation des conditions de travail, sont rarement considérés comme la cause ou la conséquence des problèmes environnementaux. On peut en effet s'interroger sur la pertinence d'une approche qui considère comme un tout le développement de tous les humains et de tout l'humain d'une part et la protection de l'environnement d'autre part. Ces deux objectifs sont conciliables du point de vue de l'écologie intégrale. Les statistiques sur les inégalités de patrimoine et de revenus sont rappelées fréquemment. En termes de patrimoine, la moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède que 2 900 euros (en parité de pouvoir d'achat) par adulte, tandis que les 10 % les plus riches possèdent environ 190 fois plus . Le lien entre les inégalités et la pollution atmosphérique a fait l'objet d'une attention plus récente du World Inequality Report. Le rapport indique ainsi que 10 % de la population mondiale détient 76 % de la richesse, bénéficie de 52 % des revenus et génère 48 % des émissions de carbone. Les 1 % les plus riches détiennent 38 % de la richesse mondiale et sont responsables de plus d'émissions de CO2 que les 50 % les plus pauvres soit 17 % et 12 % . Ces faits stylisés suggèrent la pertinence d'une vision d'ensemble qui relie les défis humains et environnementaux plutôt que de les isoler, car les inégalités de revenus et de patrimoine ne seraient pas indépendantes de la pollution atmosphérique. Les populations les plus pauvres sont aussi plus exposées aux conséquences du réchauffement climatique. La division internationale du travail qui entraîne le développement de chaînes de valeur globale a, elle aussi, des effets néfastes sur l'environnement. Elle est la conséquence logique de la recherche du profit par la baisse des coûts de production. Les questions de lutte contre les inégalités, la pauvreté et pour des conditions de travail décentes relèvent des objectifs de développement durable des Nations unies – 1 (pas de pauvreté), 8 (travail décent et croissance économique) et 10 (inégalités réduites) – et sont en relation directe avec deux des facettes du bien commun que sont la solidarité et le développement humain. En revanche, l'impact d'inégalités importantes, de conditions de vie et de travail indécentes sur l'environnement est difficile à mesurer mais les observations empiriques suggèrent que cet impact existe bel et bien. Nous nous intéressons tout d'abord aux causes des inégalités et à une des voies à explorer par les entreprises pour y remédier : l'actionnariat salarié. Malgré ses effets désirables, l'actionnariat salarié a joué un rôle dans la financiarisation des entreprises en faisant courir des risques aux salariés. Il existe déjà dans de nombreuses multinationales et sa contribution au bien commun est souvent loin d'y être une évidence. Ces constats nous conduisent à identifier dans quelles mesures les entreprises qui adoptent l'actionnariat salarié peuvent contribuer au bien commun.

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  • Nicolas Aubert, 2024. "Un premier modèle alternatif de gouvernance: l'actionnariat salarié," Post-Print hal-04717882, HAL.
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