De l'association paysanne au mouvement international : l'empreinte décisive des fondateurs de l'UNMFREO (Union Nationale Des Maisons Familiales et Rurales d’Éducation et d'Orientation)

Les MFR (Maisons familiales Rurales), structures associatives regroupées au sein d'une union nationale, l'UNMFREO, sont aujourd'hui un acteur majeur sur la scène de l'enseignement et de la formation des jeunes en France. Elles ont également un rayonnement international, avec une implantation sur l'ensemble des continents. La première MFR a été créé en 1934, dans un territoire rural isolé du Sud-ouest de la France à l'initiative d'un père de famille et avec 4 élèves. Aujourd'hui, cette association propose une réelle alternative à l'éducation et à la formation proposée par l'Education Nationale. Quoique accueillant des jeunes « à problèmes », souvent en situation de décrochage scolaire, elle affiche des taux de réussite au examens nationaux supérieurs à ceux de l'Education Nationale et le taux de placement de ses diplômés est plus élevé . A ce succès sur le plan national s'ajoute un développement international important inscrit dans une politique de coopération qui vise à définir de nouvelles solidarités internationales au service de l'éducation et de la formation des jeunes en tant que citoyens. Comment cette association alternative, qui a vu le jour il y a près de 100 ans, a pu croître et se développer jusqu'à constituer un véritable « mouvement » au niveau national et international ? Pour répondre, nous relisons l'histoire fondatrice des MFR à l'aide du concept d'empreinte, initialement proposé par Lorenz (1959) puis développé dans la littérature managériale à partir des travaux de Stinchcombe (1965). Nous montrons comment le succès de ce déploiement national et international est lié à différents facteurs parmi lesquels une « sensibilité à l'environnement » (Marquis and Tilcsik, 2013) par un père de famille révolté qui a été à l'origine d'une intuition visionnaire. Le rôle décisif des fondateurs a déjà été mis en évidence dans la littérature en particulier dans le cas de l'entrepreneuriat ou des entreprises familiales (Barringer et al., 2005 ; Bayon et al., 2015) mais il y a quelque chose d'une autre dimension concernant les MFR que le concept d'empreinte permet de mieux saisir. Car à leur origine, il y a cette expérience unique, très personnelle des fondateurs dont parlent Ackroyd et Kober, (2020) et qui leur a donné leur forme et leur identité. C'est à ce moment crucial et très délicat de la création que s'est mis en œuvre le processus d'empreinte (Simskey et alii, 2015). Malgré les évolutions politiques, sociales et sociétales majeures qui ont marquées le paysage éducatif en France depuis 100 ans, tout ce qui a été initié et posé lors de la création est présent à ce jour et fait la force de cette organisation. Relire l'histoire des MFR en considérant que les fondateurs ont été des « imprimeurs » (Simsek et alii, 2015) permet de comprendre pourquoi des pratiques organisationnelles élaborées de façon très empirique ont pu avoir une intensité qui perdure aujourd'hui et avec autant d'efficacité. Cela donne des clefs pour comprendre la culture des MFR et les raisons du très fort attachement de ses salarié et bénévoles (Ackroyd et Kober, 2020). Notre recherche s'inscrit dans le paradigme compréhensif (Crotty, 1998, Creswell, 2007) . Nous parlons d'empreinte originelle pour présenter l'histoire des MFR et suggérons qu'elle peut affronter les défis contemporains qui sont les siens en réactivant cette empreinte originelle.