Le rôle de la comparaison sociale dans le cadre du changement de mobilité

Face au dérèglement climatique, il est urgent de limiter les émissions de gaz à effet de serre. La mobilité étant un des postes les plus émetteurs, il est important de changer nos habitudes et comportements en la matière. Ceci est d'autant plus préoccupant que de nombreux citoyens continuent d'avoir un comportement d'autosolisme, même pour les petits trajets réalisables en vélo ou en transport en commun. Il est donc capital de mieux comprendre comment se forgent ces habitudes et d'identifier des leviers efficaces à un changement durable de ces comportements. Notre recherche s'inscrit dans cette volonté et propose de mieux comprendre les facteurs susceptibles d'activer un changement de comportement individuel en faveur de mobilités douces (dans le cadre des déplacements domicile-travail) et donc, plus largement, en faveur de comportements responsables. Elle s'inscrit dans un ensemble de travaux visant à comprendre dans quelle mesure l'information donnée aux utilisateurs sur les conséquences de leurs comportements (par exemple, les émission CO2 générée par un trajet en voiture) peut, ou non, contribuer au changement d'attitudes et de comportements en matière de mobilité. L'originalité de notre travail réside dans la prise en compte de la comparaison sociale c'est-à-dire du processus qui consiste à intégrer des informations sur les comportements de l'entourage social (les salariés de l'entreprise) dans la définition de son concept de soi et dans l'auto-évaluation de son propre comportement (Wood, 1989). En effet, l'état de l'art sur les différents modèles explicatifs des choix de mobilité (Gandit, 2007 ; de Witte et al., 2013) ainsi que les théories sur le changement de comportement (Prochaska et DiClemente, 1984 ; Bamberg, 2013) mettent en évidence le manque de recherche sur le rôle de la comparaison sociale dans le changement de comportement alors même que la théorie de la comparaison sociale (Festinger, 1954) montre que les individus se comparent en permanence et naturellement aux autres pour évaluer leurs capacités à adopter et adapter leurs comportements (Festinger, 1954, Taylor et Lobel, 1989 ; Wills, 1981). Dans ce contexte, Bandura (1977) a démontré que la comparaison sociale est une source importante de l'auto-efficacité c'est-à-dire « des croyances en ses propres capacités à organiser et exécuter les séquences d'actions propres pour obtenir certains résultats » (p.3). Notre recherche complète ainsi les travaux existants en identifiant dans quelle mesure l'introduction d'information sur les conséquences environnementales de la mobilité des membres d'un groupe (les salariés de l'entreprise) active un mécanisme de comparaison sociale de nature à changer les attitudes et comportements vis-à-vis de sa propre mobilité. Dans le cadre d'un design expérimental, une application de suivi de son empreinte carbone relative au trajet domicile-travail a été proposée aux salariés d'une entreprise partenaire . Une méthodologie en trois phases a été mise en œuvre : (1) Une première phase, qualitative, a été réalisée, au moyen d'entretiens semi-directifs, avec les usagers de cette application (n=10). Ils ont permis d'identifier leurs motivations, mais aussi leur perception de l'information relative à l'empreinte carbone, et les interactions sociales en lien avec l'usage de l'application. (2) Une deuxième phase, quantitative a permis d'évaluer, au moyen d'un questionnaire, dans quelle mesure le fait d'être dans une situation de comparaison sociale descendante (empreinte carbone plus faible que les collègues) ou ascendante (empreinte carbone plus forte que les collègues) pouvait améliorer l'auto-évaluation de son empreinte carbone et avoir des effets bénéfiques sur les intentions de changement de mobilité. 50 collaborateurs parmi les 113 utilisateurs de l'application ont répondu à l'enquête. (3) Enfin dans une troisième phase, nous avons collecté et analysé les données de déplacement de 80 utilisateurs de l'application. Notre recherche permet d'appréhender de façon plus précise le rôle de la comparaison sociale et notamment la façon dont l'empreinte carbone de leur entourage social, ainsi que l'information relative à leur propre empreinte carbone façonnent la vision que les individus ont de leur propre comportement, voir engendrent une modification de leur comportement.