A la source des conflits collectifs, un déficit de justice interpersonnelle

Tout au long des trente glorieuses, la conflictualité des relations sociales a pu être expliquée par des questions de justice distributive : il s'agissait de partager la valeur ajoutée de l'entreprise. Depuis lors, une nouvelle conflictualité est apparue, dénonçant la souffrance au travail et réclamant un meilleur respect du personnel par les managers. La littérature relève qu'il s'agit de questions de justice interpersonnelle qui trouvent leur source dans un évitement de la relation, nommé effet Churchill. La présente communication cherche à mieux comprendre ce phénomène et analyse en profondeur le cas d'une multinationale agro-alimentaire et l'engagement syndical de Sonia, l'une de ses responsables marketing : il s'avère qu'elle se fait désigner représentant syndical et se met à défendre les autres salariés, quand ses chefs lui annoncent un prochain licenciement et qu'elle découvre, chez les syndicalistes, la chaleur humaine à laquelle elle aspirait. Au fond, elle ne demandait que des ménagements mais elle s'est sentie incomprise et a cherché à se protéger. Ce cas met en lumière l'empathie (sympathie et compassion) et la bienveillance (compréhension et ménagement) avec lesquelles chacun attend d'être considéré. Il aide à comprendre pourquoi ces deux attitudes déterminent les relations sociales : leur absence est source d'insatisfaction. Il aide à spécifier les comportements qui, par un phénomène de mobilisation, transforment le climat social : aller à la rencontre ou, au contraire, éviter la relation. Ce chapitre rassemble ainsi une phénoménologie des blocages actuels des relations sociales.