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- Richard Grimal
(Cerema Equipe-projet ESPRIM - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement - Equipe-projet ESPRIM - Cerema - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement, MATRiS - Mobilité, Aménagement, Transports, Risques et Société - Cerema - Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement - CY - CY Cergy Paris Université)
Abstract
Le prix des carburants routiers n'a cessé d'augmenter en France depuis des décennies, même si cette hausse s'accompagne d'une forte volatilité à court terme. Cette hausse provient à la fois de l'augmentation du prix du pétrole et du renforcement de la fiscalité écologique (TICPE), incluant également une composante « carbone » depuis 2014, destinée à internaliser les coûts anticipés du changement climatique (Quinet, 2009). La fiscalité énergétique est généralement perçue par les économistes comme un moyen efficace de réduire les externalités associées à la consommation de carburants fossiles, à travers l'élasticité de la demande et en incitant à la transition vers des modes de vie jugés plus « vertueux », c'est-à-dire plus sobres et « dé-carbonés ». En ce qui concerne plus spécifiquement l'usage de la voiture, on s'attend à ce qu'un relèvement de la fiscalité entraîne une réduction du kilométrage parcouru ainsi que des progrès en matière d'efficacité énergétique et une diffusion accélérée des motorisations reposant sur des énergies alternatives au pétrole. Cependant en pratique, cette efficacité attendue dépend de la part de consommation contrainte ainsi que de la dépendance des modes de vie aux énergies fossiles, mesurées à travers l'élasticité de la demande. Dans le cas de l'usage de la voiture par exemple, l'efficacité de la fiscalité énergétique pour réduire les externalités dépend à court terme de l'élasticité de la demande kilométrique qui est corrélée au poids de la mobilité contrainte ainsi qu'aux alternatives de transport existantes, et à plus long terme de la viabilité des modèles économiques qui sous-tendent le déploiement des motorisations alternatives – électriques et hybrides notamment – ainsi que de leur accessibilité financière pour le plus grand nombre. Les progrès induits par le relèvement de la fiscalité énergétique en matière d'efficacité énergétique des motorisations thermiques contribuent également à cette efficacité. Or, en raison de l'élasticité limitée de la demande qui traduit la dépendance des structures de consommation aux énergies fossiles, la fiscalité énergétique est à l'origine d'un surcoût budgétaire pour les ménages mais également d'une perte de valeur socio-économique résultant du renoncement à se déplacer (Meunier, 2014). Ce coût social, généralement sous-estimé par les pouvoirs publics et les experts, doit néanmoins être mis en balance avec l'avantage environnemental attendu du relèvement de la fiscalité énergétique, dans la mesure où il est susceptible d'expliquer le caractère politiquement sensible de certaines réformes. Pour que la fiscalité énergétique soit bénéfique, il est nécessaire que l'avantage environnemental excède le coût social qui en est attendu. L'optimum en matière de fiscalité énergétique peut alors être défini comme le niveau de fiscalité qui permet de maximiser l'avantage socio-économique net qui en est attendu, compte tenu de l'avantage environnemental et de la perte de bien-être social qu'elle suscite – en laissant de côté pour l'instant la question des usages re-distributifs de la fiscalité susceptibles de compenser en tout ou partie le transfert financier des ménages vers l'Etat, à travers la fourniture de services publics producteurs de bien-être socio-économique. Dans ce calcul, l'élasticité de la demande manifeste l'arbitrage entre préservation du bien-être socio-économique et maîtrise budgétaire. Le niveau d'élasticité constitue alors un indice du bénéfice socio-économique net susceptible d'être attendu d'un relèvement de la fiscalité énergétique. En effet, une forte élasticité annonce un avantage environnemental élevé assorti d'un coût socio-économique limité, compte tenu d'un faible impact budgétaire et d'une faible valeur sociale attribuée à l'usage de la voiture. A l'inverse, une faible élasticité implique un avantage environnemental limité, un coût budgétaire élevé ainsi qu'une perte de bien-être social, compte tenu d'une valeur sociale forte attachée aux déplacements automobiles. Cependant, les résultats de l'évaluation socio-économique sont très sensibles à la valeur des paramètres, qu'il s'agisse de l'élasticité de la demande ou de la valeur des externalités par exemple. Or, ces derniers sont affectés par une grande incertitude, compte tenu notamment du caractère normatif des externalités qui ne présentent pas de réelle valeur scientifique, mais traduisent plutôt un consensus interne à la communauté des experts susceptible d'être affecté par des biais cognitifs, mais également en raison du manque de robustesse de certains paramètres économiques tels que l'élasticité de la demande, qui sont susceptibles de présenter une grande variabilité de résultats selon les méthodes et les données employées. Bien que cette incertitude inhérente à l'évaluation socio-économique ne puisse pas être éliminée totalement, elle peut néanmoins être apprivoisée à travers la multiplication des scénarios et la mise en oeuvre de tests de sensibilité qui permettent en même temps d'évaluer les risques – politiques, sociaux et environnementaux – résultant d'une évaluation imparfaite des risques et des bénéfices associés à un relèvement de la fiscalité énergétique. L'adoption d'une position médiane sur la valeur des paramètres pourrait dans ce cas représenter une posture de bon sens susceptible de limiter les risques inhérents à cette incertitude. L'intégration des enjeux d'équité à l'évaluation socio-économique implique de s'interroger non seulement sur le niveau optimal de la taxe permettant de maximiser l'avantage socio-économique global (ADEME, 2022), mais également sur la distribution des coûts et des bénéfices (Berry, 2019), dont le caractère équitable dépend notamment de la régressivité de la taxe ainsi que des marges de manœuvre dont disposent les groupes sociaux et les résidents des territoires pour s'adapter, par exemple en fonction de leur degré de dépendance automobile. A partir d'une formulation du bénéfice socio-économique net de la fiscalité énergétique, on déterminera l'optimum fiscal, ce qui permet également en fonction de la fiscalité existante, de déterminer l'opportunité et le cas échéant, le niveau optimal d'une fiscalité carbone additionnelle. Les valeurs des paramètres, notamment les valeurs des élasticités et des externalités seront tirées de la littérature économique et économétrique, mais pourront également dans certains cas être directement estimées à partir des données du panel ParcAuto sur le parc automobile et son usage, en analysant les variations annuelles du kilométrage parcouru par les ménages en fonction des circonstances économiques, notamment dans le but de segmenter l'analyse en fonction des territoires et des groupes sociaux de manière à analyser la distribution des coûts et des bénéfices de la fiscalité énergétique. On considèrera également différents scénarios en matière d'évolution des prix des carburants et de l'efficacité énergétique, qui sont susceptibles d'impacter les résultats de l'évaluation socio-économique. On testera enfin la sensibilité des résultats à des valeurs alternatives des élasticités et des externalités afin d'évaluer la robustesse des résultats et le degré d'incertitude qui les affecte, ainsi que le risque politique, social et environnemental qui est attaché à une mauvaise évaluation de ces paramètres. On s'attend à ce que le niveau optimal de fiscalité s'avère très sensible aux valeurs des paramètres ainsi qu'aux hypothèses en matière d'évolution du prix du pétrole et de l'efficience énergétique des véhicules, mais également qu'il varie fortement selon les groupes sociaux et les territoires, en lien avec l'intensité des besoins de déplacements et la dépendance automobile. Le recours aux méthodes de l'évaluation socio-économique permet au final d'alimenter un débat sur le calibrage optimal de la fiscalité énergétique, incluant l'opportunité de disposer d'une composante carbone distincte de la fiscalité énergétique globale. La question de la méthodologie la plus pertinente pour mesurer les externalités mérite enfin d'être posée, entre valeurs normatives issues d'un consensus interne au monde des experts d'une part, et valeurs hédoniques mesurant le « prix » des externalités sur la base de préférences révélées, d'autre part (Lejoux et Raux, 2011). En effet, cette dernière méthodologie serait potentiellement susceptible d'améliorer l'acceptabilité sociale de ces mesures, tout en affectant les résultats de l'évaluation socio-économique, et par conséquent la détermination du niveau de fiscalité optimale.
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