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- Helene Melin Crapet
(CLERSÉ - Centre Lillois d’Études et de Recherches Sociologiques et Économiques - UMR 8019 - Université de Lille - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)
- Muriel Poli
(LISA - Lieux, Identités, eSpaces, Activités - UPP - Université Pascal Paoli - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)
Abstract
Nous proposons de reprendre l'interrogation selon laquelle « les humanités environnementales permettent d'analyser plus finement les multiples hybridations à l'oeuvre » dans la gestion et les usages des milieux naturels, sauvages ou anthropisés. Il s'agit de nous focaliser sur un cas d'étude, la microrégion de Balagne, dans le nord-ouest de la Corse, afin d'observer le retour de pratiques solidaires autour de l'entretien et de l'aménagement d'espaces « naturels » et culturels situés à proximité des lieux de vie. En effet, notre recherche pluridisciplinaire, menée dans le cadre de l'OHM Littoral Méditerranéen puis de la Fondation de France, entre 2014 et 2018, a fait apparaître une mobilisation sociale forte depuis quelques années, autour des sentiers ruraux et des espaces autrefois cultivés (jardins, parcelles agricoles et pastorales). De la même façon, des pratiques naturalistes, médicinales et de cueillette réapparaissent autour d'une nature férale, résultant à la fois de l'abandon des pratiques jardinières et agricoles et de l'hybridation avec une flore locale sauvage qui reprend « sa place ». En parallèle, nous avons observé un réinvestissement de la part de la population locale, de lieux en péri-urbanité, tel que le petit patrimoine bâti traditionnel (Espaces domestiques (Lavoirs, fontaines), espaces de circulation (murets bordant les chemin), aires de battage, chapelles…). Concrètement, autour de ces espaces emblématiques de l'histoire locale et d'un certain mode de vie, des associations environnementales et culturelles, mais aussi des habitants isolés, se retrouvent pour réactiver des chjame – operate, jadis très importantes pour la cohésion et le bon fonctionnement des communautés rurales. Il s'agit traditionnellement d'entretenir collectivement et bénévolement le patrimoine naturel et/ou architectural, lorsqu'il a été dégradé suite à un accident d'origine naturelle ou humaine ; ou simplement de participer à une activité agricole d'ampleur. Ces activités ont profondément évolué et aujourd'hui elles semblent s'adapter au contexte social et environnemental pour réenclencher de la solidarité autour des lieux de vie. Cela se traduit sur le terrain par des campagnes d'arrachage de griffes de sorcières (plante invasive en bord de mer), par le débroussaillage de parcelles jardinées, l'entretien de sentiers, ou la restauration de patrimoine bâti, dans une optique de transition écologique et sociale. L'analyse de ces actions entre parfaitement dans le champ des humanités environnementales. En effet, ces pratiques de solidarités locales initiées par des habitants réactivent une tradition de « communs » comme espaces à disposition de la communauté et lui bénéficiant de façon non privative. Cela vient remettre en question une gestion uniquement institutionnelle ou relevant de la propriété privée, d'espaces de nature quotidienne qui apparaissent comme une composante de la vie locale, un élément à part entière d'une communauté d'humains et de non-humains en interactions, les concernant tous et donc pour lesquels tous doivent agir et être impliqués. Il nous parait en ce sens intéressant d'aller regarder comment se déroulent les interactions entre initiatives sociales et actions politiques, afin de comprendre dans quelle mesure l'implication habitante, reposant sur l'attachement aux lieux et aux espèces, est ou non prise en compte dans les processus d'aménagement et de développement. Nous faisons ici l'hypothèse que les dimensions « sensibles » et affectives des relations à la nature et à la culture, qui s'incarnent dans l'investissement local auprès des espaces naturels familiers, sont une composante indispensable pour penser et agir de façon durable sur les territoires. Les politiques publiques, qui mènent encore le plus souvent leurs actions de façon déconnectée des acteurs sociaux, se doivent aujourd'hui d'intégrer cette dimension de l'attachement et du concernement habitant, pour reconfigurer les préconisations nationales et internationales à partir des réalités locales et des appartenances situées à la terre/Terre.
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