Le bonheur est-il dans le champ ? Initiatives locales et soutenables dans l’agri-alimentaire urbain et périurbain : émergence d’un travail institutionnel de redéfinition des espaces

Le système alimentaire qui prévaut actuellement est insoutenable, pourvoyeur d'externalités négatives et d'inégalités. Face à ce constat, somme toute alarmant, des acteurs relevant de différentes sphères (publique, privée, société civile, académique) s'organisent pour encourager la transition vers des systèmes alimentaires territoriaux soutenables, responsables et inclusifs. Afin de mieux comprendre la manière dont ces acteurs s'y prennent, nous souhaitons comprendre en quoi le travail institutionnel en cours au sein du champ de l'agriculture et de l'alimentation entraîne-t-il une redéfinition des frontières, des pratiques, et des espaces d'intervention ? Notre méthodologie exploratoire est constituée d'une étude de cas multiple dans le cadre du projet européen MADRE (Métropole et Agriculture Durable pour des Relations équitables) menée dans six territoires Nord-Méditerranéens. Nos résultats montrent un foisonnement d'innovations soutenables, là où la sphère publique est considérée comme relativement passive. Le champ institutionnel de l'agriculture urbaine et périurbaine (AUP) s'étend par la mise en valeur de ses aspects multifonctionnels et la conquête de nouveaux espaces de développement. Nous observons également une transformation des chaînes de valeurs alimentaires en zone urbaine et périurbaine sous l'effet de la création d'autres chaînes d'activités de soutien et d'influence. Cette dernière, qui émane principalement d'acteurs habituellement externes au champ institutionnel, vise à minimiser les externalités négatives et à intégrer plus de durabilité dans les pratiques. De plus, des boucles de valeur alimentaires, soutenables et locales voient parfois le jour dans ce cadre. En outre, les innovations ont souvent comme moteur la volonté de dépasser des contraintes qui se transforment en opportunités, rappelant les travaux sur les innovations durables et frugales (Le Bas, 2017). Le rôle des acteurs est primordial face aux contraintes qu'ils rencontrent. Dans ce cadre, le choix du collectif, la modération dans la gestion des ressources, tout comme la redynamisation de pratiques ancestrales sont vectrices de pratiques innovantes et soutenables.