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Pas de guerre économique sans cohésion : vers une communauté d'intelligence en France

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  • Philippe Baumard

    (EHESS - École des hautes études en sciences sociales)

Abstract

Les métaphores sont parfois dangereuses parce que réductrices et aveuglantes. Il en est ainsi de la guerre appliquée à l'économie. On s'aperçoit vite, sur le terrain, que la réalité est bien plus subtile qu'un simple jeux d'affrontements. La guerre, en économie, n'est pas ce qu'apprécient le plus les dirigeants. Quelle entreprise recherche la « guerre des prix » ? Détruisant les marges commerciales, elle interdit tout redéploiement en cas d'échec : par manque de trésorerie. Même les Japonais en sont revenus. Leurs matelas financiers trouvent de bien meilleures utilisations dans la recherche et l'innovation que dans ces affrontements par les prix qui laissent, aux survivants, un bien maigre trophée de guerre. Quelle entreprise recherche la « guerre d'annonces » ? Quand on accuse son concurrent de polluer la planète, il aura tôt fait de prouver que son accusateur n'est pas moins pollueur. En prenant l'opinion pour otage, les deux firmes s'abîment réciproquement, dans une guerre d'affichage qui laisse des blessures, d'image s'entend, dans chacun des camps. S'engager dans la guerre, c'est augmenter l'incertitude et un risque malsain de voir échouer ses plans... L'entreprise préfère de loin éviter les confrontations directes. Elle préfère de loin « soumettre l'ennemi sans combat », comme le préconisait le stratège chinois Sun Tzu, « s'attaquer, non pas à l'ennemi, mais à ses plans et à ses alliances ». Mix-marketing contre Mixmarketing, ententes d'un clan contre les ententes d'un autre clan... Avec échanges d'otages : « Je prends une participation dans un de tes groupes, tu rachètes mes filiales, je te revends une holding...». Ennemies dans l'espace public, pour ne pas trop contrarier les images d'épinal, amicales mais distantes dans l'espace privé, les entreprises n'aiment pas la guerre. Même la "guerre limitée", que Clausewitz inventa pour nuancer ses premières positions très "tranchées" (sic) sur la guerre, « lorsque la destruction de l'ennemi est inconcevable », reste une métaphore inadaptée à la conduite des affaires. Alors pourquoi parle-ton de guerre économique ? Sans doute, parce que bien qu'elles soient dangereuses et réductrices, les mauvaises analogies n'en sont pas moins stimulantes. La faible part de "vrai" est très largement compensée par la forte part de "bon". Les images fortes sont d'excellents leviers du discours. Elles véhiculent un message d'action. La motivation peut ainsi naître d'une métaphore guerrière, puis être canalisée pour la négociation d'un accord de coopération. Cela s'appelle "diriger" des hommes. Et puis, cette analogie guerrière n'est pas si mauvaise... Elle a, dans la vie des affaires, une zone de pertinence : celle de l'information. Une seule guerre : celle de l'information. Pourquoi le stratège Sun Tzu conclue-t-il son traité sur la guerre par un article consacré à « l'art d'utiliser les espions » ? Pourquoi, en d'autres termes, Sun Tzu relie-t-il directement l'information à la victoire ? La véritable guerre, dans le champ de l'économie, est bien celle de l'information. Car si la « compétitivité des nations », comme nous l'ont laissé entendre Porter 1 et Ohmae 2 , passe par une aptitude plus grande à maîtriser la complexité de l'environnement... Alors, sans nul doute, une ingénierie offensive de l'information, au niveau national, en devient un facteur décisif de succès. Cela fait partie des non-dits qui rythment, freinent ou accélèrent la vie des affaires. L'état de non-guerre, ou de simulacre de guerre par dissuasions mutuelles, dans lequel nous sommes entrés, laisse la part belle à l'action virtuelle : séduction, promesses, menaces ou ententes... Seulement des mots, des connaissances, des symboles, lancés en pâture à l'espace

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  • Philippe Baumard, 1992. "Pas de guerre économique sans cohésion : vers une communauté d'intelligence en France," Post-Print hal-03230200, HAL.
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