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En France, pour la première fois depuis plus de 10 ans, les comptes des régimes de base d'assurance vieillesse (hors Fonds de solidarité vieillesse) affichent un résultat équilibré, en dépit d'une situation économique dégradée et malgré le vieillissement de la population. Les réformes des retraites menées depuis plus de 20 ans, en cherchant à générer des économies pour les régimes de retraite, ont sans nul doute permis d'aboutir à ce résultat. Et il ne s'agirait là que d'une première étape : la part des dépenses liées aux pensions de retraite dans le PIB pourraient en effet, sous certaines hypothèses économiques, diminuer de 2,8 points entre 2013 et 2060, plaçant ainsi la France « dans une position relativement favorable par rapport à ses partenaires européens pour faire face au vieillissement de sa population ». Si les réformes des retraites menées depuis le début des années 1990 semblent engendrer les économies escomptées, les effets qu'elles produisent ne sauraient se résumer à ce seul résultat financier. Celui-ci découle en effet, pour l'essentiel, d'une modification des conditions de départ à la retraite, aussi bien en termes de niveau de pension que d'âge. S'agissant du niveau de pension, celui-ci a été principalement modifié dans le cadre de la loi sur les retraites de 1993 qui a augmenté le nombre de salaires annuels retenus pour le calcul de la pension de base des salariés du secteur privé, passant progressivement de 10 à 25. Cette augmentation induit mécaniquement une baisse du niveau de pension pour les assurés ayant des carrières ascendantes ou pour ceux ayant des carrières heurtées, caractérisées par de fortes fluctuations des salaires annuels. L'effet négatif de cette règle de calcul sur le montant de pension est par ailleurs amplifié par l'indexation des salaires portés au compte sur l'indice des prix, appliquée à partir de la fin des années 1980 dans les régimes des salariés du privé, puis progressivement rendue pérenne et étendue à l'ensemble des régimes de base par les diverses lois de 1993 à 2014. Le niveau des pensions a en outre été modifié, dans les régimes complémentaires, par les divers accords signés par les partenaires sociaux, dont certaines mesures prévoyaient la diminution du rendement instantané, et d'autres une sous-indexation – parfois inférieure à l'inflation pour certaines années – des pensions servies par ces régimes. Plus généralement, de nombreuses mesures prises au cours des 25 dernières années ont joué sur le niveau des pensions, même si elles n'en modifiaient pas explicitement les modalités de calcul. Les mesures visant l'âge de départ à la retraite, par exemple, ont un effet sur les carrières salariales, du fait des prolongements ou des raccourcissements de carrières qu'elles induisent, lequel jouera mécaniquement aussi sur le montant de retraite. En ce qui concerne l'âge de départ à la retraite, celui-ci a été visé par les quatre lois portant réforme des retraites, faisant de ce dernier le paramètre clé des réformes engagées ces 25 dernières années. Le relèvement de l'âge effectif de départ à la retraite a en effet été considéré par le législateur comme le levier le plus équitable, dans la mesure où il répond principalement à des difficultés financières structurelles, liées aux gains d'espérance de vie qui allongent la durée de la retraite. Ce relèvement a été visé par une diversité de mécanismes au gré des réformes. Il a été encouragé dans le cadre des lois de 1993, 2003 et 2014 à travers l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite au taux plein et la création d'une majoration de pension pour les personnes qui continuent de travailler au-delà de cette durée (création de la surcote dans le cadre de la réforme des retraites de 2003). Il a également été imposé dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, qui fait passer l'âge minimum légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et celui du taux plein automatique de 65 à 67 ans. Si les contraintes financières des régimes de retraite ont conduit à rechercher globalement un relèvement de l'âge effectif de départ à la retraite, en moyenne sur l'ensemble des assurés, plusieurs mesures ont aussi, à l'inverse, eu pour objectif de permettre à certaines catégories de partir un peu plus tôt à la retraite, pour des motifs d'équité. C'est le cas pour les assurés ayant commencé à travailler tôt, avec la mise en place en 2003 du dispositif de départ anticipé pour longues carrières, et pour les assurés ayant exercé des métiers pénibles, avec la création du compte pénibilité en 2014. Outre l'objectif de pérennité financière, les réformes des retraites ont également visé une multiplicité d'autres objectifs : par exemple, une plus grande équité entre les régimes, par l'alignement progressif sur les régimes de salariés du privé de certains paramètres de retraite dans les régimes de la Fonction publique (loi de 2003) puis dans les régimes spéciaux, et par la mise en œuvre de la liquidation unique au sein des régimes alignés (loi de 2014) ; une solidarité vis-à-vis de catégories d'assurés, avec des mesures spécifiques visant une meilleure prise en charge de certaines situations (congés maternités, apprentissage, périodes d'emploi précaire…) ; une plus grande liberté donnée aux assurés pour le choix de leur âge de départ à la retraite ; etc. Cette multiplicité des objectifs recherchés s'est traduite par une multiplicité de mesures, dont les effets sont complexes et, par leurs interactions, vont bien souvent au-delà de la finalité propre visée. Aux quatre lois de réforme des retraites, s'ajoutent en outre les différentes lois de financement de la sécurité sociale ainsi que certains décrets, qui ont modifié plusieurs paramètres de calcul des droits à pension, et les accords signés par les partenaires sociaux pour garantir l'équilibre financier des régimes complémentaires. Cette succession de mesures en matière de retraite, à un rythme de plus en plus soutenu, introduit des modifications qui tantôt se substituent aux précédentes, tantôt se combinent. Au-delà de l'imprévisibilité du montant des pensions induite par cette instabilité législative (Aubert, 2014), qui peut à elle seule orienter certains comportements individuels de départ à la retraite (Aubert, 2016) [1] [1]La crainte d'une nouvelle réforme des retraites diminuant les… , cette succession de textes réformant le système de retraite rend l'exercice d'évaluation des effets induits par celles-ci, au-delà des critères financiers, particulièrement ardu. Par ailleurs, dans la mesure où les réformes des retraites sont généralement mises en œuvre de manière progressive, dans un souci d'équité intergénérationnelle, leurs effets se font sentir à un horizon assez lointain. L'évaluation dans le domaine des retraites nécessite ainsi, selon la démarche empirique retenue, soit un recul temporel très important pour pouvoir observer les évolutions induites, soit la capacité à se projeter dans le futur par le recours à des outils de simulation. Parallèlement toutefois, ce besoin croissant d'évaluation en matière de retraites s'est accompagné d'un renforcement des ressources disponibles. En témoignent le développement des modèles de microsimulation pour les projections du système de retraite (Destinie, Prisme, Trajectoire, PensIPP…), mais aussi celui des bases de données issues de sources administratives (EIC et EIR) et d'enquêtes (Intentions de départ en retraite en 2005, enquête barométrique sur les motivations de départ à la retraite, etc.). La revue Retraite et société a régulièrement mis en lumière les travaux évaluant les effets induits par les réformes des retraites et, à ce titre, contribue à éclairer les débats sur l'équité et l'avenir du système de retraite français. Ce nouveau numéro s'inscrit pleinement dans cette perspective et propose des contributions originales éclairant les enjeux de l'évaluation des politiques de retraite, les obstacles inhérents à cet exercice et les différentes stratégies et avancées permettant de surmonter ces obstacles.
Suggested Citation
Samia Benallah & Patrick Aubert, 2016.
"Les réformes des retraites et leurs effets : enjeux et évaluations,"
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hal-02971223, HAL.
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RePEc:hal:journl:hal-02971223
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